Gavroche est un personnage du roman Les Misérables de Victor Hugo, qui prend les traits d'un enfant des rues parisien.
Ce personnage est vraisemblablement inspiré de l'enfant figurant sur le tableau d'Eugène Delacroix La Liberté guidant le peuple, rendu célèbre en 1831 (soit l'année précédant celle de la mort de Gavroche dans l’œuvre).
Naissance du « gamin » de Paris
« La gaminerie parisienne est presque une caste. On pourrait dire : n'en est pas qui veut.
Ce mot, gamin, fut imprimé pour la première fois et arriva de la langue populaire dans la langue littéraire en 1834. C'est dans un opuscule intitulé Claude Gueux que ce mot fit son apparition. Le scandale fut vif. Le mot a passé. »
— Victor Hugo, Les Misérables (Tome III. Marius – Livre Premier : Paris étudié dans son atome – Chapitre 7. Le gamin aurait sa place dans les classifications de l'Inde)
Gavroche, archétype du gamin de Paris
« Paris a un enfant et la forêt a un oiseau ; l'oiseau s'appelle le moineau ; l'enfant s'appelle le gamin.
Accouplez ces deux idées qui contiennent, l'une toute la fournaise, l'autre toute l'aurore, choquez ces étincelles, Paris, l'enfance ; il en jaillit un petit être. Homuncio, dirait Plaute.
Ce petit être est joyeux. Il ne mange pas tous les jours et il va au spectacle, si bon lui semble, tous les soirs. Il n'a pas de chemise sur le corps, pas de souliers aux pieds, pas de toit sur la tête ; il est comme les mouches du ciel qui n'ont rien de tout cela. Il a de sept à treize ans, vit par bandes, bat le pavé, loge en plein air, porte un vieux pantalon de son père qui lui descend plus bas que les talons, un vieux chapeau de quelque autre père qui lui descend plus bas que les oreilles, une seule bretelle en lisière jaune, court, guette, quête, perd le temps, culotte des pipes, jure comme un damné, hante les cabarets, connaît des voleurs, tutoie des filles, parle argot, chante des chansons obscènes, et n'a rien de mauvais dans le cœur. C'est qu'il a dans l'âme une perle, l'innocence, et les perles ne se dissolvent pas dans la boue. Tant que l'homme est enfant, Dieu veut qu'il soit innocent.
Si l'on demandait à la grande et énorme ville : Qu'est-ce que c'est que cela ? elle répondrait : C'est mon petit. »
— Victor Hugo, Les Misérables (Tome III. Marius – Livre Premier : Paris étudié dans son atome – Chapitre 1. Parvulus).
Biographie du personnage
Les Misérables - Recrues (gravure d'Abel Faivre d'après Jeanniot).jpg
Né en 1820, il est le fils des Thénardier qui ne l'aiment pas, ne veulent pas de lui et c'est pour cela qu'il vit dans la rue (il a l'habitude de dire « Je rentre dans la rue » quand il sort d'une maison). Il ne les voit que de temps à autre, mais il aidera tout de même son père à s'évader de prison. Gavroche connaît ses sœurs aînées, Éponine et Azelma, mais pas ses deux frères cadets qui ont été abandonnés pour être adoptés en très bas âge à la suite d'une sordide tractation de leurs parents. Après l'arrestation de leur mère adoptive, alors que les deux enfants se retrouvent à la rue, Gavroche les recueille sans savoir que ce sont ses frères. Mais ils s'égarent dans Paris le lendemain et on ne les revoit qu'une seule fois, cherchant à manger. Le lecteur ne sait pas ce qu'ils sont devenus.
Gavroche connaît bien la bande « Patron-Minette », des malfaiteurs que Thénardier sollicite pour ses mauvais coups.
Gavroche meurt le , peu après Éponine, près de la même barricade de la rue de la Chanvrerie, pendant l'Insurrection républicaine à Paris en juin 1832, en tentant de récupérer des cartouches non brûlées pour ses camarades insurgés et en chantant une célèbre chanson qu'il n'a pas le temps d'achever (Tome V. Jean Valjean – Livre Premier : La Guerre entre quatre murs – Chapitre 15. Gavroche dehors) :
Le Genevois Jean-François Chaponnière (1769-1856) est le père du refrain de cette chanson : il se moque du mandement écrit par le clergé le , qui devait dissuader les fidèles d'écouter les philosophes des Lumières comme Voltaire et Rousseau.
C'est en 1832 qu'apparaît la deuxième version de cette chanson écrite par le chansonnier Béranger s'intitulant Mandement des vicaires généraux de Paris. C'est un signe de ralliement entre révolutionnaires, gens du peuple et libéraux. Dans Les Misérables Hugo reprend le refrain « C'est la faute à Voltaire, c'est la faute à Rousseau » lors de la manifestation révolutionnaire des 5 et ; Gavroche sort de la barricade pour récupérer les cartouches des morts tout en chantant le refrain pour narguer les gardes nationaux jusqu'à ce qu'il expire, atteint par les tirs des soldats.
Sens commun
Depuis, par antonomase, « Gavroche » se dit d'une personne ressemblant au personnage de Victor Hugo : un gamin parisien gouailleur, débrouillard, à la vulgarité attachante.
Notes et références
Voir aussi
Bibliographie
- Frédéric Chauvaud, « Gavroche et ses pairs : aspects de la violence politique du groupe enfantin en France au XIXe siècle », Cultures et Conflits, no 18 « La violence politique des enfants », (ISSN 1777-5345, DOI 10.4000/conflits.463, lire en ligne)XIXe siècle&rft.aulast=Chauvaud&rft.aufirst=Frédéric&rft.date=1995&rft.issn=1777-5345&rft_id=info:doi/10.4000/conflits.463&rfr_id=info:sid/fr.wikipedia.org:Gavroche">.
- Pierre Laforgue, Gavroche et autres études sur Les Misérables : nouvelle édition revue, corrigée et augmentée, Paris, Eurédit, (1re éd. 1994, Sedes), 320 p. (ISBN 978-2-84830-186-0).
- Marceline Laparra, « Le pays où « les rats mangent les chats » ou l’histoire de Gavroche et de l’éléphant », Pratiques, nos 151-152 « Anthropologies de la littérature », , p. 207-225 (ISSN 0338-2389, lire en ligne).
- Régis Messac, « Autour de Gavroche », Revue d'histoire littéraire de la France, Paris, Armand Colin, t. 35 (35e année), , p. 577-589 (lire en ligne).
- (en) Laurence M. Porter, « The Pícaro Transfigured : Gavroche in Hugo's Misérables », Dix-Neuf : Journal of the Society of Dix-Neuviémistes, vol. 20, nos 3-4, , p. 328-339 (DOI 10.1080/14787318.2016.1264143).
- Jacques Seebacher, « Le tombeau de Gavroche ou Magnitudo parvuli », dans Lire Les Misérables, Paris, José Corti, , 272 p. (ISBN 2-7143-0086-3, présentation en ligne, lire en ligne), p. 191-203.
Article connexe
- La Liberté guidant le peuple, peinture d'Eugène Delacroix (1830).
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